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echodelabourse
24 août 2010

Liberté et utilitarisme

Donnons tous d’abord une définition à l’utilitarisme, tel que Priestley put le concevoir et comment il est perçu aujourd’hui.

L’utilitarisme est au niveau individuel l’action consistant à maximiser son bien-être personnel par ses décisions. Au niveau collectif, il est la recherche du « plus grand bonheur du plus grand monde » (Jeremy Bentham). De la même manière, on peut rechercher à minimiser la souffrance pour le plus grand nombre. C’est l’optique de la plupart des pays développés actuels.

En effet, l’ensemble des dispositifs de minima sociaux, de sécurité sociale, d’allocations, de retraite, de droit au logement, peuvent être considérés issus de cette doctrine. L’objectif est, pour ces Etats, de minimiser la pauvreté pour les chômeurs, les familles nombreuses, les personnes malades, etc.

Une application dogmatique de ces principes devient très vite contraire à toute notion de liberté et de justice. Par exemple, prendre un million à un multi-millionnaire pour verser 1000 euros à 1000 pauvres pourrait être considéré comme de l’utilitarisme. On a amélioré le quotidien de 1000 personnes en ayant réduit celui de seulement une personne. Cette action serait néanmoins contraire à l’esprit des premiers utilitaristes, qui n’ont jamais cautionnés l’idéologie communiste ni que la recherche de ce bonheur devait se traduire par les privations de biens ou de droits d’une minorité au nom de la majorité.

Il faut garder à l’esprit la notion de justice, qui ne peut s’appliquer qu’individuellement. Qui peut dire que le millionnaire est un voyou ou un génie ? Que les 1000 pauvres ont juste été malchanceux ou sont incompétents ? Il n’est pas possible d’ériger des principes généraux, chaque cas devrait être étudié individuellement.

Or dans la société actuelle, c’est cette étude de cas individuels qui manque. D’une part, elle serait trop coûteuse et d’autre part, les syndicats et politiques ont toujours raisonné en masses (syndiqués / électeurs). Le système permet malheureusement à certains petits malins d’en profiter indûment …

Parlons maintenant de la liberté. Quelle définition en donner ?

Les définitions les plus simples sont parfois les meilleures. Ainsi, être libre, c’est pouvoir faire tout ce qui ne porte pas atteinte aux autres individus ou à leur liberté. Les restrictions faites à la liberté le sont uniquement pour des questions de sécurité. L’individu doit rester maître de ses choix et de ses actes tant qu’il ne représente pas une menace pour les autres.

Cette définition mérite tout de même d’être dépoussiérée. Le principe de sécurité portait à l’époque sur les biens et les personnes (donc sur des atteintes immédiates, mesurables à la sécurité), aujourd’hui il s’étend à la sécurité alimentaire, environnementale, du consommateur, qui nécessitent des règles pour éviter que notre sécurité future soit menacée. Concernant l’environnement, on ne reviendrait pas aujourd’hui sur la nécessité de réduire les gaz à effet de serre, même si les contraintes aboutissent à une réduction de la liberté des entreprises et que l’atteinte à la sécurité est plus diffuse (trouvez deux scientifiques d’accord sur le thème !).

Comme un gouvernement a le pouvoir de restreindre nos libertés, son rôle doit alors être restreint pour éviter les abus. Ainsi, un Etat est garant de notre sécurité et tout le reste doit être laissé à l’initiative individuelle.

J’ajouterai l’égalité des chances dans le rôle de l’Etat, faire en sorte que chacun puisse faire les études qu’il souhaite quel que soit son milieu (par exemple sous la forme de prêts remboursables dès l’obtention du premier emploi …). Si l’individu n’a pas les compétences ou la volonté d’effectuer ces études ou formations, tant pis, mais il aura eu la possibilité de le faire.

En tout cas, on voit tout de suite l’écart entre notre société et les idées ci-dessus ! Prenons quelques exemples :

-          Peut-on m’expliquer pourquoi on n’a pas le droit de devenir taxi à Paris ? Réponse : clientélisme et avantages. Pour devenir taxi parisien, soit on fait la demande à la préfecture (10 à 15 d’attente), soit on rachète une licence existante (comptez le prix d’un appartement). Ceci est en parfaite contradiction avec les intérêts du consommateur et n’a aucune justification. J’y reviendrai plus loin en parlant des concepts de majorité et de majorité visible.

-          Tous les mécanismes obligatoires, anticoncurrentiels, allant de la SNCF à la Sécurité Sociale (même si ça change pour la SNCF) : pas de choix des services ni des prestations, cotisations obligatoires selon des barèmes fixés par l’Etat. On remarque par contre que les employés de ces organismes ont bien compris la notion d’utilitarisme car ils ont maximisé leur bien-être par rapport à un poste à compétences équivalentes dans le privé !

-          Les mécanismes de redistribution. Qui a quoi ? Comment ? Et qui mérite quoi ? Comme indiqué plus haut, à moins de traiter les cas individuellement, on n’a pas construit de société plus juste en redistribuant les biens.

-          La discrimination positive : que l’on m’explique en quoi une discrimination positive est plus juste qu’une discrimination négative, cela reste une discrimination. Si l’on veut plus de femmes en politique, il faut certes lutter contre la misogynie, mais aussi faire en sorte qu’elles aient les mêmes moyens que les hommes. Il n’est pas plus juste d’appliquer la règle du 50/50 et donc d’interdire de constituer des listes électorales sur des critères de compétence.

-         

Beaucoup de lois et de règles ont malheureusement été dictées sous l’aspect du clientélisme et ce depuis des temps immémoriaux. Ce qui a changé depuis l’époque féodale est le concept de majorité. A l’époque des rois et des seigneurs, la majorité n’avait pas droit à la parole. En démocratie, on pourrait considérer que le pouvoir est donné au peuple, puisqu’il élit ceux qui voteront les lois. Le concept de majorité est pourtant mis à mal :

-          D’une part il faut disposer de certaines conditions d’âge et de nationalité pour pouvoir voter,

-          Le concept de majorité est tout relatif quand aux élections présidentielles les candidats peinent à recueillir plus de 25% des voix,

-          L’esprit de cette majorité peut malheureusement être manipulé : discours politiques, médias, statistiques … En l’absence de pluralité de l’information et surtout d’informations objectives sans parti-pris, il est difficile d’échapper des comportements moutonniers. Un personnage politique que je ne nommerai pas a dit avec aplomb que le problème des roms était le message que les français ont fait passer lors de l’échec des régionales. Je dois avoir des pertes de mémoire, il ne me semble pas en avoir entendu parler à l’époque. Comme quoi avec un peu de persuasion on peut réécrire l’histoire...

-          On réagit souvent à notre (in)satisfaction à un instant t, sans raisonner à plus long terme, en pratiquant par exemple des votes sanctions ou en privilégiant le statu quo alors même que des déséquilibres nous menacent,

-          On cherche à maximiser son bien-être personnel au détriment de celui des autres. Un exemple, qui m’a bien fait rire, est ce sondage sur les différentes solutions pour « sauvegarder » notre système de retraite (baisse des pensions, hausse des cotisations, rallongement de la durée de travail) : les plus favorables au rallongement de la durée de cotisation étaient, de très loin, les personnes déjà à la retraite !

-          La notion de majorité se réduit bien souvent à celle de majorité « visible », en gros celle qui descend le plus souvent dans la rue. Vous allez manifester pour que les régimes spéciaux de retraite soient alignés sur le régime général si vous n’êtes pas concernés ? Ben moi non plus. Mais eux si. Exemple simple, si on prend 1 euro par mois à 60 millions de personnes pour distribuer 1000 euros à 60 000 personnes, les 60 000 individus ont tout intérêt à se battre pour conserver leur avantage. Les 60 millions ne vont pas perdre des journées de travail pour gagner un euro, même s’ils obtiennent gain de cause il leur faudra des années avant de récupérer les revenus perdus durant le combat.

Ce dernier point est essentiel pour comprendre les inégalités et les incohérences des réglementations en vigueur. De tout temps, des petits groupes se sont battus pour des privilèges, à tort ou à raison, mais une fois actés il est presque impossible de les remettre en cause. Le fossé s’est donc creusé entre ceux qui pouvaient exiger et les autres.

Enfin je vais terminer avec le lien entre liberté et utilitarisme, même si je l’ai évoqué subrepticement dans ma seconde partie. Toute tentative collective pour maximiser le bien-être général entraînera une privation de la liberté. Même si les pays communismes avaient atteints leur idéal (c’est-à-dire sans corruption et sans clientélisme), cela aurait forcément nuit à la liberté des individus : liberté d’entreprise, liberté de choix … La redistribution des richesses est une idée à la mode. La rendre effective est du despotisme. Je préfère de loin les initiatives actuelles de Warren Buffet et Bill Gates, qui consacreront de manière volontaire une partie de leur fortune à des causes humanitaires. Eux sont de vrais utilitaristes.

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